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#Rugby – Fed1 : C.Laclau (US Tyrosse) : « Un derby que tout le monde attendait depuis très longtemps »

Ancien joueur, ancien entraîneur pour enfin devenir Co-président, Christian Laclau est le charismatique timonier du club landais de l’US Tyrosse. Avec sa gouaille et son franc-parler chevillés au corps, le co-président Laclau nous a donné le cap de l’UST, et un objectif de playoffs en « Du Manoir » pour cette nouvelle saison en Fed1, tout en nous affirmant sa joie de reconnaître les voluptés d’un derby face à Dax. Pour celui qui aime raconter qu’en tant que coach, il était rentré à l’aube du nouveau millénaire, à la tête de ses guerriers landais , dans « un endroit où il y tombait de la grêle, où c’était chaud » (le tunnel du Stadium d’Albi), mener ses troupes au front est devenu une seconde nature. Mais « l’homme à la moustache » n’en oublie pas, aussi, de défendre la cause du « rugby des champs  » et de pousser un coup de gueule contre la professionnalisation à tout-va de la fédérale 1. Rencontre avec un personnage attachant, vivant le rugby avec une passion, apanage de ces hommes et de ces femmes qui façonnent l’ovalie fédérale.

Pour commencer, Christian Laclau , je dirai quoi de neuf à l’US Tyrosse pour cette nouvelle saison 2019-2020 ? On imagine que ça a dû un peu bouger dans les Landes ?
Ca a un petit bougé par la force des choses puisque nous avions deux joueurs qui étaient en fin de carrière et qui ont décidé d’arrêter. Même trois puisque Fabre, 2e ligne, Sainte-Croix, 3e ligne, vu leur âge, ont décidé de mettre un terme à leur carrière. Il y a aussi Yohann Durquet. Lui, on s’y attendait un petit peu moins puisqu’il a décidé d’arrêter aussi. Il n’était plus motivé pour jouer tout simplement. Il a fallu déjà qu’on remplace ces joueurs là et puis après, il y a eu aussi des joueurs qui ont décidé de changer de crèmerie comme on dit, soit pour aller au niveau inférieur, soit pour changer d’air tout simplement.
Et puis, à l’US Tyrosse, ça va être aussi l’année du rebond. Pour une première fois, vous n’étiez pas qualifiés en du Manoir en phases finales. Il n’y a pas eu de play-off, ce qu’on appelle le bonbon au miel dans les fins de saison. Pour un club comme le vôtre, on imagine que c’est important. Cette année, ça va être un objectif indéniable le du Manoir ? 
Oui, tout à fait. L’objectif, cette année, c’est la qualification. C’est de retrouver toujours le plus haut niveau de la Fédérale 1 puisque jouer la montée pour nous, ce n’est plus possible, dans la mesure où il y a des contraintes financières qu’on ne pourra jamais avoir. Donc, on se penche sur le sportif, on veut bien sûr matcher avec les meilleurs et essayer toujours de rester avec les meilleurs et dans le plus haut.
Alors, vous qui êtes un club on va dire de l’entre-deux, semi-amateur, semi-pro, comment vous voyez cette professionnalisation à tout va de cette Fédérale 1 ? On voit que ça s’arme financièrement de plus en plus et même la Fédé a une volonté de professionnaliser cette Fédérale 1. A Tyrosse, comment on le vit ça ? 
On le vit pas très, très bien mais je pense qu’ils ne sont pas aussi nombreux que ça à être professionnels. Il y en a 5 ou 6 qui pensent être professionnels mais bon … Vous êtes bien placés à Albi pour savoir que, cette année, ça a été compliqué.
C’est pas simple tous les jours comme on dit
C’est pas simple tous les jours parce qu’il n’y a pas les recettes en face. Moi, je veux bien qu’on monte de gros budgets pour être professionnels mais, les fins de mois, il faut les assumer. Donc, c’est pour ça qu’on voit beaucoup de clubs qui sont en difficulté en fin de saison. Quand on réussit à monter à l’étage supérieur, il n’y a pas de souci. Mais voilà, je pense qu’il y a des règles fédérales qui sont bien établies et qui sont difficilement contournables. Il y a déjà eu des morts les 3 dernières années (Strasbourg, Limoges et Rodez). Je crois qu’il y a des morts parce qu’il n’y a que deux clubs qui montent. Si il y en a 7 ou 8 qui se professionnalisent, qui passent professionnels pour absolument monter, même s’il y en a 10, il y en a que deux qui monteront. Donc, il y en a 8 qui seront lésés financièrement. Quand vous êtes en Pro D2, vous avez une aide de la ligue qui est assez conséquente, notamment la première année.
Des droits TV qui sont aussi conséquents.
Ah, c’est 1M6, 1M8 quand même, c’est pas rien. Moi, avec 1M8, je fais deux budgets, je fais deux ans. Mais, quand vous assumez les salaires et quand pour monter, vous avez 30 ou 35 pros, les salaires, il faut les envoyer. Les salaires, les charges, c’est pas des recettes. Alors, à part des clubs qui sont menés par des mécènes comme ça a pu être le cas à Nevers, comme ça a pu être le cas à Aix-en-Provence.
A Rouen
Rouen depuis deux ans. Après, le reste … Après, moi je sais pas, je laisse chacun libre de penser ce qu’ils veulent mais je sais aussi, en tant que président de club, que les fins de mois, il faut les faire. Et que, à un moment donné, si vous payez pas les joueurs, si vous payez pas les fournisseurs, la facture, elle tombe toute seule.
C’est sûr. Alors, pour un club comme le vôtre, quel levier vous pouvez actionner face à cette marchandisation et cette professionnalisation de la Fédérale 1 ? Un ADN bien certain, les pieds bien ancrés dans un territoire ? 
Ah oui, oui, oui et surtout la formation depuis des années et des années et des années. On puise là dessus et après, on reste sous la gouttière nous, vous savez. Il y a toujours de l’eau qui tombe dans la gouttière, soit des jeunes, soit des moins jeunes qui sont déçus par le professionnalisme ou qui sont laissés de côté par le professionnalisme parce qu’il n’y a pas la place pour tout le monde. Suivant nos besoins, on se tourne vers ça, avec soit des boulots, soit avec des formations et on essaie d’ancrer les joueurs qu’on va chercher dans un processus, sur du long terme. dans le club et dans la région.
Nouvelle donne aussi pour Tyrosse, c’est la poule. Vous avez été reversés dans une poule grand ouest. L’année dernière, c’était une poule sud-ouest, là c’est une poule grand-ouest. En terme de déplacements, ça ne va pas vous engendrer des surcoûts ? 
Ca dépend comment vous les gérez vos déplacements. Les prix des bus de toute façon, quand vous allez à Nantes ou Rennes, ce sont les mêmes. Et en plus, c’est considéré comme des longs déplacements donc, vous êtes bien remboursés par la Fédération quand même, ça, il faut le savoir, du moment que ça dépasse 600 km aller/retour. Après, c’est savoir si vous voulez partir la veille, aller à l’hôtel, dormir après le match là-bas ou pas. Moi, je vais à Rennes, je vais le faire dans la journée. Aller/retour donc je n’ai pas l’hôtel à payer et on va s’amener le casse-croûte à midi, je n’ai pas le restaurant à payer. Il faut bien se débrouiller comme on peut. Après, si j’écoute certains, il faudrait partir presque le vendredi pour jouer le samedi soir, dormir là-bas, faire un décrassage le matin. Bien sûr que ce sont des meilleures conditions mais je suis pas sûr que …
Il y a une réalité économique
Voilà, c’est tout. Il faut s’adapter.
Alors, l’avantage de cette nouvelle poule, c’est qu’il va y avoir un bouillant derby entre Dax et Tyrosse. Un derby landais, ça doit valoir son pesant de cacahuètes cette histoire ? 
Ah oui, ça, c’est vraiment le derby que tout le monde attendait depuis très, très longtemps puisque je crois que le dernier derby Tyrosse/Dax, c’était en 2006.
J’étais en Pro D2 à l’époque vous voyez. Ici, dès qu’on a connu la poule, ça a été l’effervescence pour cette date là. Tout le monde veut y assister, je ne sais pas si on pourra accueillir tout le monde. C’est comme un Narbonne/Béziers, c’est comme un Bayonne/Biarritz, c’est de ce niveau là. Alors, peut-être pas avec autant de monde mais en terme de ferveur, ça c’est sûr.
Et émotionnellement c’est aussi quelque chose de fort. Ce sera une grande fête du rugby landais dans tous les cas ? 
Ca, c’est sûr. C’est déjà acté, c’est vu. On passe presque tout notre temps à répondre pour savoir qui veut acheter le match, le ballon du match, qui veut réserver une table. On est en train de s’organiser à ce niveau là.
J’imagine aussi que les matches contre St-Jean-de-Luz et Anglet déplaceront quelques foules parce qu’il y a la petite rivalité entre la Côte Landaise et la Côte Basque aussi ?  
Bien sûr, tout à fait. On est très contents de ces derbys là aussi. On les avait l’an dernier, il y a deux ans, il n’y a aucun souci. Mais Dax, je vous le dis, c’est du niveau d’un Bayonne/Biarritz, ou je compare toujours, d’un Narbonne/Béziers.
Il y a toute une littérature autour, il y a toute une histoire ? 
Ah oui, oui. Une grande histoire depuis très, très longtemps. On s’entend très bien avec les Dacquois mais on se chambre tous les ans. Et alors, quand il y a le match de poule en plus, ça fait un piment supplémentaire. Ca excite les gens, c’est vraiment du pain béni pour nous.
Alors, dans cette poule, on peut qualifier Tyrosse d’arbitre. Vous allez rencontrer toutes les équipes qui ambitionnent au Jean-Prat. Pour vous, qui a la carrure pour aller se qualifier en Jean-Prat dans cette poule ? 
Ca, si vous pouvez me rappeler après les matches aller, je pourrai vous le dire mais pas avant. Parce qu’il faut voir les équipes. Les renforts sur le papier, les choses comme ça, les moyens que l’on donne, ça, c’est du blabla. C’est le
Cognac?
Cognac mais bon, est-ce que la mayonnaise prendra ? Vous savez, le ballon est ovale. Vous le savez bien vous à Albi, vous deviez passer.
On l’a vu en demi-finale (RNR – SCA)!
Et oui. Nous aussi, quand on n’est pas montés contre Béziers, on devait monter et on n’est pas montés. Et depuis, Béziers, ils se maintiennent et nous, on n’a jamais pu remonter. Donc, vous voyez, ce n’est pas une science exacte sinon ça se saurait. Sinon, vous prendrez les budgets et vous ferez le classement. Et heureusement que ce n’est pas comme ça !
Et puis, un alignement de noms ronflants ne fait pas obligatoirement un groupe
Absolument. Après, il y a la qualité de la préparation, il y a un peu de réussite, il y a un peu de tout, il y a un peu d’arbitrage, il y a un peu de tout. Il y a des fois, vous pouvez faire des saisons un peu euphoriques, tout vous réussit. Regarder St Jean de Luz l’an dernier, ils sont venus nous battre au premier match chez nous, ils ont fini seconds de la poule alors qu’ils ne s’y attendaient pas du tout.
Ah oui, ça a été la belle aventure St Jean de Luz l’année dernière
Non mais c’est ça et ce n’est pas une meilleure équipe que nous. L’an dernier, ils n’avaient pas une meilleure équipe que nous. Mais par contre, ils ont bien démarré et après voilà. C’est souvent comme ça.
Une mayonnaise qui prend et on se prend au jeu comme on dit
Absolument, c’est totalement cela.
Allez, pour finir cette interview, le mot d’ordre de cette saison 2019-2020 pour l’US Tyrosse ? 
Le mot d’ordre, c’est retrouver le goût de la victoire, notamment chez nous à La Fougère et une forme un peu de bonheur qu’amène la victoire. Des fois, vous gagnez des matches où vous n’êtes vraiment pas bons mais les gens ne retiennent que ça et ça donne de la bonne humeur, de l’envie à l’entraînement. Cette saison, je pense que tout est fait pour que l’équipe soit au mieux, les garçons s’investissent beaucoup dans la préparation. Ce n’est pas une saison de revanche mais bon, on verra.
Le ton est donné et on essaiera de se déplacer pour ce fameux derby entre Tyrosse et Dax. On essaiera d’envoyer un consultant pour venir voir un peu ce que donnent les derbys à la sauce landaise. 
Rendez-vous est pris et on vous accueillera volontiers.

Propos recueillis par Loïc Colombié

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